Et mon corps a hurlé

Un râle profond, puissant, presque animal.

Il a renoncé. Mon corps m’a imploré.

STOP.

Trop de douleur. Émotionnelle, affective, mental et ce jour-là, physique. Cette biopsie de l’utérus, cette intrusion de plus, de trop, cette douleur aiguë qui m’a fait perdre connaissance était un message. Un trop plein. Un « ça suffit, c’est assez ! ».

Et quelques jours plus tard, grâce aux mots habiles de ma psy, c’est toute ma colère, ma douleur, cette injustice, cette plaie béante qui a émergé du plus profond de mes entrailles. Un hurlement, effrayant, violent, éreintant est sorti de ma gorge, de ma bouche, de mon souffle trop longtemps retenu. Et je me suis effondrée. Épuisée. Libérée…

Ce vendredi-là, mon corps a décidé. Mon cœur a pleuré. Ma tête a écouté. Cette journée-là, j’ai respiré.

Terminé.

Ne me demandez plus pourquoi je ne suis pas maman, si j’ai tout essayé, si j’ai mis toutes les chances de mon côté, si je connais ce médecin qui fait des miracles, cette méthode, cette opération, ce régime, cette routine, si je connais l’histoire de cette femme qui, après tant d’années…

De grâce, ne me demandez plus.

 

Laissez-ma cicatrice cautériser, se refermer, s’aplanir sous les caresses du temps. Seul lui a le pouvoir de transformer la douleur en douceur. Mon bonheur se joue à une lettre.

Cette sensation d’un bébé lové sur mon sein, mon Pinterest en est plein ! Ce sentiment, je le rêverai chaque fois que je verrai une autre donner la vie. Et chaque fois les larmes empliront mes yeux et chaque fois, je respirerai pour laisser exister cette émotion, cette absence, ce manque. Puis je reviendrai à nouveau à la joie d’être celle que je suis et le bonheur que j’ai construit, que je vis. Même sans lui, ce bébé tant espéré.

 

Certaines questions blessent et portent en elles la réponse. Je m’adresse à nous, les femmes, celles dont la question tue. Pourquoi s’infliger cela entre nous ? Pourquoi cette question, pourquoi ce regard insistant, pourquoi ce lourd silence qui attend une réponse, pire, une explication, souvent ponctuée d’un fatal tic-tac tic-tac … pourquoi ?

Je fais le vœu que la sororité* nous sauve un jour de cette interrogation ne permettant qu’une réponse. Je rêve d’une société où la question « Et toi, as-tu des enfants ? » serait remplacée par « Et toi, qu’est-ce qui te rend heureuse dans la vie ? » _ et alors, nous serions libres, enfin, de partager ce qui est et non ce qui n’est pas. Je fais le vœu que la bienveillance, nous portera à trouver refuge dans les bras d’une autre, à se recueillir sur l’épaule complice d’une sœur, dans le sourire d’une amie, dans le regard enveloppant d’une confidente.

 

Il en est ainsi de ma vie, de mon récit. Je ne renonce pas. J’ai fait le choix de reprendre goût à la vie, avec ou sans lui.

 

M, 2001

 

Avec tout mon amour.

 

M.

 

 

* sororité :   nom commun féminin provenant du terme latin soror, qui signifie sœur ou cousine. Sororité est l’équivalent féminin de fraternité, soit la solidarité entre femmes.

 

Photo M, 2001 par Bérengère Gouttefarde.

 

3 commentaires sur « Et mon corps a hurlé »

  1. Ton texte m a bouleversée. Cette douleur, cette absence me touche en plein coeur. Garder le goût à la vie, le goût au bonheur…. toujours…. et malgré tout.
    Ce soir mes bras te sont grands ouverts. Mon amitié, ma bienveillance t’enserrent avec douceur. Prends soin de toi ma Fantomette.

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  2. Depuis combien de temps vis tu à moitié, prisonnière de la convention… Il est temps de vivre à 100%, de rayonner, de soulager, de mettre des mots pour profiter chaque jour du bonheur d’être toi même…

    Aimé par 1 personne

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