Je préfère « cours d’extravagance ».
Moulin rouge, Chicago, Crazy Horse, French Cancan, Cabaret… si je vous dit « Burlesque », à quoi ce mot fait-il référence pour vous, qu’est-ce qui résonne ? Danseuse nue ? Strip-teaseuse ? Vulgarité ? Féminité ? Peu importe la réponse, il n’y a pas de vérité, uniquement des perceptions, des à priori, un avis qui nous est propre. Nous avons forcément classé ce thème quelque part dans notre esprit, avec un premier filtre : bien ou mal. Sans avoir assisté à un show, ni même rencontré une personne qui le pratiquait, l’histoire est classée.
Mais avez-vous vérifié de quoi il s’agissait vraiment, est-ce si « vulgaire » que ça ? Est-ce qu’une part de vous aimerait s’y essayer ? Qu’est-ce que vous pourriez découvrir sur vous ?
Attention, danger, hors-zone – votre cerveau s’emballe, le mental fait barrière, nos étiquettes sont prêtes à ressortir.
Je suis allée vérifier, j’ai commencé les cours de Burlesque en septembre dernier. Et voici ce que j’y ai découvert…
Qui prend des cours de danse Burlesque ?
Il y a Roxie, cette jeune femme sexy (vulgaire ?) habillée (exhibée ?), qui joue souvent le rôle de la prisonnière, mal traitée par son geôlier et qu’elle va devoir séduire pour s’échapper, retrouver sa liberté. Son costume est sans équivoque, elle est esclave sexuelle et joue les règles sado-maso. Elle est pulpeuse, a les yeux noirs, les cheveux négligés et ses costumes sont chaque semaine plus étonnants (ou riquiquis, c’est selon !).
Maude, cette jeune femme nature, au déhanché félin, sensuelle. Discrète, elle me rappelle le personnage de Flashdance. Et elle a des poils sous les bras, foncés, bruns, volumineux, épais. Surprise!
Catherine, une femme élancée, grande, au port de tête altier. Elle est danseuse, de classique. Demi-pointe et caresses sur les fesses, audacieux mélange.
Il y a ce jeune homme, Nic, fin, menu, à la chevelure d’un noir ébène, magnifique. Il est le frère jumeau de Pocahontas. Et lorsqu’il danse, je trouve personnellement qu’il est le plus sensuel, le plus proche de sa vérité. Il est habillé de sa longue chevelure, a une démarche féline, puissante et dramatique en même temps.
En pratique :
Il y a des pas, des attitudes, des personnages à imiter, à incarner. Par exemple, voici quatre façons de déambuler :
- la démarche de la pin-up : Betty Boops, Dita Van Teese
- la démarche de la femme fatale : Fanny Ardant, Monica Belluci
- la démarche de la séductrice, tel Jessica Rabbit, ou encore Marylin Monroe, Brigitte Bardot
- l’ensorceleuse, le mystère de Romy Schneider, de Carole Bouquet, Cendrillon fait partie de cette équipe 🙂
Mais aussi plusieurs « techniques » pour descendre au sol, danser avec (sur) une chaise, faire un tour sur soi… sans jamais quitter ses talons ! Olé !
Séduire l’autre, ou se séduire soi…
Se déhancher, traverser la salle perchée sur ses talons, ralentir, haleter, frôler sa poitrine puis descendre jusqu’à ses fesses d’une main nonchalante. Oui c’est une danse de la séduction. Et à ma grande surprise, non elle n’est pas destinée en premier lieu au public. C’est avant tout une relation, un dialogue de soi à soi. Se déhancher devant son miroir en imitant Beyoncé et secouer ses fesses en rythme à la manière de Shakira, easy! A priori.
Cours de claquette, spectacle de fin d’année, présentation dansée et chorégraphiée lors d’une convention de travail devant plus de cent personnes, shooting photo nue. Oui, ça pour moi, easy.
Me connecter à mon corps, entrer en contact avec lui, ne rien faire d’autre que déambuler sur mes talons et faire naître le désir dans les yeux de celui qui me regarde. La magie n’opère pas si je ne me séduis pas moi-même. Et le public ne ressentira rien non plus. Parce qu’un corps inhabité ne transmet rien, aucune émotion, encore moins de sensation.
Le burlesque c’est un dialogue avec soi, et parce que l’entente est harmonieuse, le charme opère sur celui qui sera spectateur de cette relation intime.
Les autres femmes et moi
Ce que j’apprends sur moi depuis le début de mes cours est extraordinaire. Parce que ces femmes que j’ai décrit plus haut sont un miroir qui me renvoie une image et me confronte. Et que j’ai décidé de me confronter.
Roxie, elle me met face à ma quête d’un corps mince, d’une taille S, d’un postulat de la société duquel on se sort difficilement. J’ai autour de moi des femmes qui sont en combat permanent avec leur corps. Au quotidien et depuis toujours. Et moi aussi, quand mon petit-ami m’a dit, l’air de rien « j’ai remarqué que tu mangeais beaucoup », j’ai pris sa remarque au sérieux et l’ai bien imprimée. Et bim, un coup gratuit. Ce que m’enseigne Roxie, c’est que de nous deux, elle est la plus sensuelle, la plus assumée, la plus épanouie aussi et j’en suis persuadée, elle n’aurait pas laissé quelqu’un lui dire qu’elle mangeait beaucoup. Merci Roxie.
Maude, elle me renvoie à ma naturalité. Les poils sous ses bras me « dérangent » et me questionnent. Moi qui traque le moindre poil, et qui, à la question « Qu’est-ce que tu emporterais sur une île déserte? », autre que des livres, choisirais une pince à épiler ! Non mais sérieux. Avez-vous déjà considéré la douleur d’une bande de cire, d’un épilateur, d’une session au laser…? J’ai tout testé, de la tête aux pieds, jusqu’à traquer le fin duvet sur mon visage qui ne lui plaisait pas. Et quel paradoxe quand mes traitements boostés aux hormones pour tomber enceinte mettaient à mal tous mes efforts pour éradiquer ma pilosité… Ce que m’apprend Maude, c’est que je l’envie de se respecter ainsi, avec ses poils, assumée et libre d’être elle. Je ne remets pas en question mon choix de m’épiler, c’est ainsi que je me sens bien. Mais je suis consciente que ce standard de beauté n’a pas été un choix mais une décision par défaut. Merci Maude.
Nic, lui, il m’apprend la liberté de se choisir, d’assumer et de s’offrir ce qui le fait vibrer. Le courage de venir assister au cours de burlesque, seul homme et de jouer le jeu à fond. Bravo ! Merci Nic.
Catherine, je me reconnais en toi. Timidité, discrétion, et… paradoxe. Nous sommes en devenir. En quête de soi. Merci de t’amuser avec moi sur ce chemin.
Et maintenant, dansons !